Publié dans Challenge AZ, Challenge AZ 2023

Challenge AZ 2023 – H comme…

H comme…

Jusqu’en 1787, date de l’édit de Versailles, mes ancêtres protestants ont dû mentir pour ne pas être convaincus d’hérésie, et se cacher pour pratiquer leur foi. Pourtant, aucune trace du mariage de Jean Bonneau (sosa 194) et Magdelaine Martin (sosa 195) dans les registres catholiques. Ils se sont cachés mais ne sont pas allés jusqu’à prétendre être catholiques (voir l’article monsieur et madame ont un fils).
Jean naît à une date inconnue et meurt après le 28 avril 1807. Magdelaine est baptisée le 12 janvier 1744 à Lezay (Deux-Sèvres). Elle est la fille de Pierre Marthint (?-?) et Marie Poupard (?-?). Ils sont marient donc au Désert le 30 novembre 1779. De leur union, naissent cinq enfants, entre 1780 et au moins 1785. Trois d’entre eux, Claude, Louise et Jeanne, eux sont enregistrés sur les registres de baptêmes du Désert, et Magdelaine est inscrite sur les registres catholiques ; il me manque le baptême de Suzanne.
En 1807, Jean est cultivateur. Comme beaucoup de cultivateur de cette époque, il est probablement illettré, voire analphabète, puisqu’il ne signe pas sur l’acte de baptême de Magdelaine. Cela ne va-t-il pas à l’encontre du lieu commun selon lequel les protestants savaient lire pour satisfaire aux soli édictés par les réformateurs du XVIè siècle(1), tels Luther, Calvin et Zwingli ? Pas forcément, car dire que les Protestants étaient plus instruits que les Catholiques ne signifient pas que tous étaient instruits. Et quand bien même ils étaient effectivement plus instruits, dans quelle proportion l’étaient-ils ? Jusqu’au XVIIIè siècle, 80% de la population est analphabète. Ce taux tombe à 63% en 1800. Quand bien même seulement 30% des Protestants vivant au XVIIIè siècle, maîtriseraient la lecture, on serait bien au-dessus de la moyenne du reste de la population (je n’ai pas trouvé de chiffre précis mais d’après Emmanuel Todd (3), on peut estimer que 35 à 45 % de la population protestante européenne savait lire vers 1700). Cela signifie aussi que potentiellement 60 à 70% des Protestants resteraient stupéfaits devant une page d’écriture. C’était probablement le cas de Jean Bonneau.

Mais, il ne faut pas confondre analphabétisme et illettrisme. L’analphabète n’a pas appris à lire et à écrire, bien souvent parce qu’il n’est pas allé à l’école. L’illettré, lui, a été scolarisé mais cet apprentissage n’a pas permis la maîtrise de la lecture et de l’écriture ou bien cette maîtrise a été perdue. Mon article sur les signatures de mes ancêtres (voir ici), illustre bien la notion d’analphabétisme, celle d’illettrisme et le fait que la maîtrise de l’écriture évolue au fil de la vie. Pierre Lessere (sosa 126) n’a jamais signer ce qui laisse penser qu’il n’a pas reçu d’instruction et le classe dans la catégorie des analphabètes. Jean-Pierre Tranchant (sosa 220) est très probablement illettré ; il signe mais d’une écriture laborieuse. Quant à André Duault, sa signature, à la fin de se vie, est presque illisible et incompréhensible, du moins ne reflète-t-elle plus le niveau d’écriture qu’il a pu avoir.

(1) Le sola Scriptura, « par l’Écriture seulement » (la Bible est la seule autorité pour toutes les questions relatives à la foi et à la pratique), est l’un des principes fondamentaux de la réforme protestante, avec quatre autres soli , sola Deo Gloria, « à Dieu seul la Gloire » (Dieu est le seul qu’il faut prier et adorer), sola gratia, « par la Grâce seulement » (la grâce seule permet d’obtenir le Salut), solus Christus, « le Christ seulement » (le Christ est le seul médiateur entre Dieu et les hommes), sola fide, « par la Foi seulement », (la foi et non les œuvres permet de contribuer au Salut).
(2) source : Julian Gomez Pardo, Histoire de France, époque contemporaine, 1774-1914, chap. 1 « La France de la Révolution (1774-1799) » , 2022.
(3) Emmanuel Todd, Où en sommes-nous, une esquisse de l’histoire humaine, 2017.

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