Publié dans Personnalités tourangelles, Petite histoire de la Touraine

Jacques Borgnet (1915-1945), résistant

Jacques Borgnet naît à Tours le 19 août 1915. Il fait ses études au collège Saint-Grégoire puis au lycée Descartes. Pendant l’occupation allemande, il rejoint le Père de la Péraudière dans le mouvement de « Résistance » (réseau Cohors-Asturies). Il est arrêté et déporté Buchenwald par le convoi dit des tatoués le 27 avril 1944 (1). Jacques porte désormais le matricule 185122 (Auschwitz). Le 25 mai 1944, comme un millier de « tatoués », Jacques Borgnet est ensuite envoyé au camp de Flossenbürg . François Lecureuil, déporté survivant des camps, témoigne des dernières heures de Jacques Borgnet.

Tout au long de l’exode du commando [évacuation du Kommando de Flossenbürg], Jacques Borgnet avait montré un courage constant et même un entrain qu’il propageait autour de lui afin de stimuler ses camarades et de les aider à supporter les rigueurs de la faim, de la soif, la fatigue des marches forcées et l’angoisse croissante du sort que nous redoutions. Mais depuis quelques jours (je me situe au début de mai 1945), son allant avait disparu, il se traînait sur la route et me répétait souvent quand nous étions à portée de voix : “Mon pauvre François, je vais crever !” Sans doute était-il atteint de la redoutable dysenterie, mortelle pour beaucoup à cause de l’épuisement qu’elle provoquait, et se
sentait-il anéanti. […] Aussi je me rappelle que c’est avec un étonnement désespéré que j’ai revu Jacques le dimanche matin 6 mai 1945 allongé sur la paille dans le fond de cette grange où nous avions été parqués pour la nuit. Ses yeux étaient déjà vitreux, ses pommettes encore plus saillantes, le teint terreux, sans mouvement, alors qu’il était demeuré à mes yeux le modèle du courage et de l’optimisme. […] Jacques avait donc reçu son petit bout de pain que Pierre Goupille avait “touché” pour lui et lui avait apporté (à moins que ce soit moi, je ne me souviens plus très bien). Réaction d’un malade devant de bons camarades ou bien acte de générosité au moment de la mort ? Je ne saurais le dire, mais ce dont je puis témoigner, c’est de son geste et de ses paroles à ce moment là. S’adressant à Pierre et à moi, il nous dit en tentant de nous donner son pain : “Partagez-vous ça : je n’en ai plus besoin” Je crois me souvenir qu’il souriait en nous regardant. Pour nous deux, âgés de 19 et 25 ans à l’époque, ce bout de pain supplémentaire était un trésor après tant de privations et de souffrances. Il y eu alors un appel et un rassemblement dans la cour de la ferme où stationnaient plusieurs chariots agricoles attelés à des tracteurs. Les valides – dont Pierre Goupille et moi – furent groupés à part pour reprendre la route à pied. Les malades et ceux qui ne pouvaient marcher durent grimper sur un des chariots qui partit pour le camp de Terezienstadt (nous l’apprîmes par la suite). Puis les mourants et les cadavres furent tirés dehors par des camarades de corvée et jetés pèle mêle sur un autre chariot. Jacques était du nombre, je l’ai vu. Etait-il déjà mort quand son corps rejoignit les autres dans le chariot ? Qui peut le savoir ? […]

Membre des scouts de France (routier-scout, chef scout du clan Mangin à Tours),  Jacques Borgnet a composé une prière. (source : http://salve-regina.com/index.php?title=Pri%C3%A8res_scoutes)

Souffrir pour monter

Ô Maître, Toi qui as dit : « Je suis la Route »,
apprends à Ton routier à Te ressembler,
apprends-lui à suivre la piste
que tes pas amis lui ont tracée
au milieu des difficultés de ce monde.

Il te demande de les supporter

avec un radieux sourire scout,
d’en triompher si Tu le permets,
d’en souffrir pour Toi,
si telle est Ta Sainte Volonté.

Décédé en déportation le 6 mai 1945 à Flöha (Allemagne), il est enterré au cimetière Lasalle de Saint-Cyr-sur-Loire (carré 23). La plaque commémorative porte la mention « Mort pour la France » (cote AC 21 P 27309) (source : memorialgenweb).

(DR)

 

Par délibération du 4 décembre 1972, une rue prend le nom de rue Jacques Borgnet et par délibération du 06 septembre 1982, son nom est donné à une impasse.

Sources : – Musée de la résistance en ligne
Bulletin de l’Amicale des Déportés Tatoués du convoi du 27 avril 1944
Association nationale des scouts français anciens combattants
– Geneviève Gascuel, Les Noms des rues de Tours, Editions C.M.D.

Pour aller plus loin :
Vanina BRIERE, Les Français déportés à Buchenwald : exemple du convoi du 12 mai 1944, mémoire de Maîtrise
Amicale des déportés tatoués du 27 avril 1944
Fondation pour la mémoire de la déportation

(1) Le convoi des tatoués était composé de déportés de répression,  il quitte la France le 27 avril 1944 pour Auschwitz II-Birkenau et arrive à Buchenwald le 14 mai 1944. (la déportation de persécution vise à exterminer ceux que les nazis considèrent comme des sous-hommes (Juifs, Tziganes, homosexuels, déficients mentaux) ; la déportation de répression vise ceux que les nazis considéraient comme leurs ennemis (résistants, communistes).

2 commentaires sur « Jacques Borgnet (1915-1945), résistant »

Laisser un commentaire